Partnership US : quid du principe de territorialité de la sécurité sociale ?

La Cour de cassation consacre traditionnellement le principe de territorialité de la législation de sécurité sociale.

La législation française s’applique lorsque l’activité est exercée en France, sauf à ce qu’une convention de sécurité sociale ou le droit communautaire n’en dispose autrement. Ce principe a été depuis codifié à l’article L111-2-2 du Code de la sécurité sociale qui constitue désormais un acte normatif impératif même pour la Cour de cassation.

S’agissant d’une activité non salariée, l’exercice d’une telle activité est caractérisée par l’existence d’une base fixe d’affaires ou établissement stable en France.

Lorsqu’une activité non professionnelle est exercée sur le territoire national, les revenus provenant d’une base fixe située à l’étranger doivent-ils être intégrés dans l’assiette des cotisations sociales françaises lorsque la législation applicable est la législation française ?

La Cour d’appel de Paris a jugé que, dans le cas de partnerships américains, l’associé affilié au régime de sécurité sociale français devait cotiser sur les revenus qui lui sont distribués par le partnership américain et qui sont réalisés aux Etats-Unis. La Cour a en effet considéré que l’activité du partnership hors du territoire français constituait le prolongement de l’activité non salariée exercée par cet associé dans le cadre d’un établissement stable sur le territoire français. Cette approche particulièrement extensive rompt avec le caractère territorial de la législation française, relégué à portion congrue, afin d’étendre l’assiette des cotisations sociales françaises et augmenter ainsi à bon compte les ressources des organismes de sécurité sociale. Il s’agit à l’évidence d’une vision extensive et monopolistique du régime de sécurité sociale français.

La Cour de cassation a validé la position de la Cour d’appel de Paris par un arrêt pour le moins étrange qui se fonde exclusivement sur l’article L131-6 du Code de la sécurité sociale qui définit l’assiette des cotisations sociales, sans se préoccuper ni du principe de territorialité (non encore codifié il est vrai à l’époque des faits en cause) ni de l’accord de sécurité sociale franco-américain.

Lorsqu’un professeur ayant pris publiquement position pour une extension de l’assiette des cotisations sociales aux revenus réalisés hors du territoire national siège en qualité de conseiller en service extraordinaire à la Cour de cassation, voir en qualité de rapporteur, dans toutes les affaires de ce type déférées à la Cour de cassation révèle la nature des enjeux qui se jouent à pas feutrés.

Qu’en sera-t-il lorsque la même question sera posée dans un cadre communautaire ? La Cour de cassation balaiera-t-elle d’un revers de main l’article L111-2-2 du Code de la sécurité sociale et le droit communautaire au risque de faire fuir l’ensemble des cotisants concernés vers un régime de sécurité sociale nettement moins hégémonique comme l’y autorise désormais le Règlement CE 883/2004 pour autant que certains conditions soient remplies ?

La Cour de cassation voudrait obtenir un tel exode qu’elle ne s’y prendrait pas autrement. Au risque d’ouvrir une brèche difficilement maitrisable…