Donation : le bien-fondé d’une clause d’inaliénabilité s’apprécie au jour de sa stipulation

Par deux actes signés à deux ans d’intervalle, des parents donnent à leur fille diverses parcelles de terres, chaque donation comportant une clause d’inaliénabilité et un droit de retour au profit des donateurs en cas de prédécès du donataire. Les biens donnés sont par la suite saisis à la demande d’une banque. La donataire a beau se prévaloir des clauses d’inaliénabilité et de retour, le juge de l’exécution autorise la vente des biens saisis et ordonne leur vente forcée. Pour confirmer ce jugement, la cour d’appel relève que l’intéressée n’allègue aucun intérêt légitime et sérieux justifiant le maintien actuel de la clause d’inaliénabilité et de la clause de retour.

La Cour de cassation censure l’analyse de la Cour d’appel au motif que, d’une part, l’intérêt de la clause d’inaliénabilité s’apprécie au jour où elle a été stipulée (la validité d’une telle clause étant soumise à l’existence d’un intérêt sérieux et légitime) et que, d’autre part, la validité de la clause prévoyant un droit de retour conventionnel n’est pas soumise à l’existence d’un tel intérêt.

Cass. 1e civ. 6 mars 2013 n° 12-13.340 (n° 256 F-D)

NB : Il est résulte que le créancier qui entend saisir et faire vendre un bien donné soumis à une clause d’inaliénabilité a généralement recours à l’un des moyens suivants :
– invoquer la nullité de la clause au motif qu’elle ne remplit pas les conditions de validité posées par l’article 900-1 du Code civil (« Les clauses d’inaliénabilité affectant un bien donné ou légué ne sont valables que si elles sont temporaires et justifiées par un intérêt sérieux et légitime »), la clause d’inaliénabilité pouvant être justifiée par le souci des donateurs d’assurer la pleine efficacité du droit de retour conventionnel qu’ils se sont réservés dans l’acte de donation ;
– demander l’autorisation judiciaire de disposer du bien si l’intérêt qui avait justifié la clause a disparu ou s’il advient qu’un intérêt plus important l’exige (C. civ. art. 900-1) : la Cour de cassation a restreint cette possibilité dans un arrêt du 3 juin 1998 de sa première chambre civile (Cass. 1e civ. 3-6-1998 n° 96-12.372 : Bull. civ. I n° 192) au motif « l’action tendant à être autorisé à disposer du bien, prévue par l’article 900-1 du Code civil au profit du donataire, était exclusivement attachée à la personne de celui-ci, de sorte qu’elle ne pouvait être exercée par un créancier à la place de son débiteur ».